Au secours !

Lu dans le Monde: les préconisations d'André Chervel, spécialiste en histoire de l'orthographe et de la grammaire, pour la réforme de celles-ci dans le but de les rendre plus faciles à maîtriser. Le constat est en effet unanime: le niveau en orthographe, après avoir atteint un pic ou un palier dans les années 1920-1950, est en constant déclin, au point que des gens ayant 5 ou 8 ans d'études après le bac (y compris en fac de lettres) ont une écriture quasi illisible car bourrée de fautes. A tel point qu'un nouveau métier se développe: coach (quel mot affreux) en orthographe pour cadres des grandes entreprise. Première leçon: la conjugaison sur verbe coacher à l'imparfait du subjonctif: que nous coachassions, que vous coachassiez...

Pour enseigner correctement l'orthographe et la grammaire, d'après ce docte érudit en sciences de l'éducation, il faudrait y passer une heure par jour, ce qui se ferait nécessairement au détriment d'autres activités. Lorsqu'on sait que les gamins passent en moyenne 3 heures et demie par jour devant la télé ou l'ordinateur, on se dit qu'il y a de la marge. Cependant, voici ce qu'il propose comme palliatif à l'inévitable déclin de l'orthographe:

Les règles d'une orthographe réformée doivent être très simples. Par exemple : supprimer les doubles consonnes inutiles pour la prononciation. Ne pas toucher à "acceptable" ou à "laisser", évidemment, mais enlever un "l" à "collège", un "f" à "difficile" ou un "n" à "innocent". Cette réforme nous rapprocherait de l'Europe. Dans les langues romanes voisines, espagnol, italien, portugais, roumain, ce doublement n'a jamais existé, ou a été supprimé. "Appeler" s'écrit apelar en espagnol. Pourquoi ne pas l'écrire "apeler" ? Cela concerne des montagnes de mots qui occasionnent énormément de fautes. Les études comparatives des copies du XIXe et de la fin du XXe siècle montrent une tendance à faire compliqué quand il faut faire simple, à redoubler les consonnes là où il n'en faut qu'une. Autre règle très simple : supprimer les lettres grecques, en abandonnant tout souci de l'étymologie. Quand la prononciation le permet, il faut supprimer les "y" (ceux qui ne correspondent pas à un double "i"), supprimer les "h" après les "t" ou les "r", remplacer "ph" par "f". On écrirait une "ipotèse" (ipotesi en italien), une "bibliotèque" (biblioteca en espagnol, italien, portugais, roumain), une "biciclette", une "cronique", un "daufin"… Encore une règle simple : que tous les noms et adjectifs prennent un "s" au pluriel (même "des animaus"), à l'exception des mots qui sont déjà terminés en "s", "x" ou "z", comme "mois", "paix" ou "nez". Le pluriel des noms a déjà été régularisé à deux reprises : on écrivait "une difficulté, des difficultez" jusqu'en 1735, "un enfant, des enfans" jusqu'en 1835. Dans ces deux cas, la simplification a consisté à généraliser la règle : pour le pluriel, on prend le singulier et on rajoute un "s". Si l'on poursuit dans la même voie sans toucher à la prononciation, il n'y aura plus que deux règles de pluriel : celle des noms et adjectifs, et celle des verbes. Une fois que l'élève les aura mémorisées, il commettra moins de confusions par ailleurs. L'impact de la réforme ne s'arrête pas aux seuls mots touchés. C'est toute la relation à la langue qui s'en trouve confortée : il n'y a plus ce sentiment d'insécurité face à une orthographe difficile, voire imprévisible.

Voilà bien sûr l'occasion rêvée de re-sortir une blague classique sur le sujet:



Le choix a fait l'objet d'un compromis, les Allemands ayant obtenu que l'orthographe du Français, particulièrement délicate à maîtriser, soit réformée, dans le cadre d'un plan de cinq ans, afin d'aboutir à l'Eurofrançais.

1. La première année, tous les accents seront supprimes et les sons actuellement distribues entre ' s ', 'z', 'c', 'k' et 'q' seront repartis entre ' z ' et ' k ', ze ki permettra de zupprimer beaukoup de la konfuzion aktuelle.

2. La deuzieme annee, on remplazera le ' ph ' par 'f ', ze kiaura pour effet de rakourzir un mot komme 'fotograf ' de kelke vingt pourzent.

3. La troizieme annee, des modifikations plus draztikes zeront pozibles, notamment ne plus redoubler les lettres ki l'etaient: touz ont auzi admis le prinzip de la zuprezion des ' e ' muets, zourz eternel de konfuzion, en efet, tou kom d'autr letr muet.

4. La katriem ane, les gens zeront devenus rezeptifs a des changements majeurs, tel ke remplazer 'g' zoi par ' ch ', zoi par ' j ', zoipar 'k', zelon les ka, ze ki zimplifira davantach l'ekritur de touz.

5. Duran la zinkiem ane, le ' b ' zera remplaze par le ' p ' et le' v'zera lui auzi apandone, au profi du 'f'. Efidamen, on kagnera ainzi pluzieur touch zu le klafie. Un foi ze plan de zink an achefe, l'ortokraf zera defenu lochik, et les chen pouron ze komprendr et komunike. Le ref de l'Unite kulturel de l'Europ zera defenu realite!

Ma préconisation à moi: fermer l'INRP et reconvertir ses chercheurs en profs de français dans les quartiers difficiles, ce qui leur permettra de confronter leurs théories à la réalité.

Commentaires

1. Le samedi 6 décembre 2008, 14:31 par coren

C'est amusant cette blague, parce qu'elle se concrétise dans la réalité depuis l'apparition du téléphone portable. La difficulté d'utilisation du clavier incite à raccourcir la langue française dans le même ordre d'idée.

Depuis, cette coutume fait du chemin, avec les deux camps qui s'affrontent : pour ou contre le langage sms. Il est utilisé dans les forums ou les messageries instantanées, pour le moment.

Parmi les contre, il y a le problème que chacun raccourci la langue à sa façon, qu'il n'y a pas "un" langage sms, mais plein, ce qui rend très laborieux la lecture et quasiment impossible la lecture d'une discussion longue entre plusieurs participants.

Si les chercheurs vont dans les quartier difficiles, ils seront confrontés à cette réalité et auront encore plus d'arguments pour aller en ce sens.

2. Le dimanche 7 décembre 2008, 09:34 par DavidLeMarrec

Bonjour Patrick,

La comparaison avec l'espagnol n'est pas si sotte, c'est bel et bien ce qui s'est produit (au contraire de l'italien qui dispose de beaucoup d'irrégularités orthographiques et grammaticales communes avec le français).

Après, je pense qu'il est culturellement impossible, même pour les français en délicatesse orthographique, de renoncer à notre orthographe, et l'élite culturelle le refusera catégoriquement.

Avec une certaine raison aussi : il n'y aura plus d'étymologie, et les textes anciens deviendront indéchiffrables.

Je ne vois pas trop pourquoi on s'acharne à vouloir l'orthographe parfaite : après tout, le français tel qu'il est, même orthographié n'importe comment, est tout à fait compréhensible.
C'est juste pour les lettres de motivations qu'il faut se faire relire par un prof de français. :o)

3. Le dimanche 7 décembre 2008, 11:52 par Rotil

Je l'ai déjà sorti sur un autre fil...
Ma fille, lors d'une rédaction en classe de seconde (1986) écrivit le mot "rythme" ainsi: "rytme".
Rageusement, sa prof de Français lui compta une faute, en... rayant le "y".

4. Le samedi 20 décembre 2008, 03:47 par pepe

La révolusion de l’ortograf è déja començcé é èl se dévelope chaqe jour davantaj!
www.ortograf.net

5. Le samedi 20 décembre 2008, 03:47 par pepe

La révolusion de l’ortograf è déja començé é èl se dévelope chaqe jour davantaj!
www.ortograf.net

6. Le samedi 20 décembre 2008, 16:16 par Papageno

merci pour le lient c'est hilarant, ça me fait penser au copies de 1e année de fac que corrige ma femme, en pire...

7. Le jeudi 25 décembre 2008, 19:47 par pepe

Probablemen qe lè manuscri de Villon, Ronsard, Voltaire...
vou ferè pensé égalemen o copi qe corije votre fame si vou ne lè lizié en ortograf "modernizé".

8. Le vendredi 26 décembre 2008, 20:51 par Papageno

Je lis de la poésie du XVIè dans le texte, et c'est autrement plus gracieux et naturel et agréable à lire que le sabir sans saveur que vous proposez à la place:

http://www.loiseleur.com/patrick/bl...

9. Le vendredi 26 décembre 2008, 23:21 par pepe

Qestion d'habitude. Rabelais serè suremen horifié par votre ortografe.

Èssèyé la poézi du XIIIe, la grafi rèssenble plus à çe ki è sou vo-z yeu mintenan!! L'écriture de çèt époqe étè trè proche de la prononçiaçion.