mercredi 15 décembre 2010

Haïku

Il neige sur Liège

La cité endormie

Rêve à son passé

dimanche 12 décembre 2010

La panthère rose et le clavier bien tempéré

Jean-Sébastien Bach n'en finit pas de fasciner les musiciens de tous les âges et tous les styles. Il est impossible d'énumérer les morceaux de jazz, pop, soul, funk, rock ou techno qui reprennent des thèmes du Cantor de Leipzig, tant ils sont nombreux. La perfection du contrepoint du musicien allemand semble capable de survivre à toutes les adaptations, transcriptions, relectures, ré-interprétations. J'ai tout de même sélectionné la pochade de Aleksey Igudesman & Sebastian Gürtler, très drôle et impeccablement réalisée:

S'il est possible de jazzifier Bach sans limites, l'inverse est plus rare mais également envisageable. J'en veux pour preuve la fugue écrite par Stéphane Delplace sur le thème de la Panthère Rose (qu'on doit à Henri Mancini, compositeur américain de musiques de film). Ce qui est amusant ici c'est que les rythmes syncopés, le balancement (le swing, devrais-je écrire) sont remplacés par quelque chose de beaucoup plus régulier. Techniquement c'est une fugue à quatre voix, un beau travail de contrepoint à l'ancienne. Le titre de "Bach Panther" est d'ailleurs tout à fait explicite sur les intentions du compositeur. Le contraste entre la musique et l'interprétation très stricte de Stéphane Delplace et la manière de filmer très moderne et inventive de Stéphan Aubé est assez saisissant:

Notons que les quintes parallèles qui caractérisent le thème original de la Panthère Rose sont bien sûr absentes de la fugue de Delplace qui a choisi un style tonal des plus académiques pour cette pièce. C'est son choix, et il n'y a rien à redire là-dessus, tant on doit respecter la liberté du compositeur en la matière. Le style rythmique, l'harmonie, les timbres: tout change, sauf les notes. Ce qui constitue bien la preuve qu'il y a dans la musique bien plus que des notes. Au passage, si certains lecteurs se posaient la question: est-il possible d'écrire aujourd'hui du contrepoint à la manière de Bach ? la réponse est: oui, assurément. Et quant à ceux qui se demanderaient à quoi ça sert, on pourrait toujours leur répondre: à quoi sert la musique de toute façon ? Doit-elle vraiment servir à quelque chose ?

lundi 6 décembre 2010

Concert Bartholomée à la philharmonie de Liège

Relativement peu connu en France, Pierre Bartholomée a fait l'essentiel de sa carrière à Liège dont il a dirigé la Philharmonie pendant une vingtaine d'années. Il fait partie des compositeurs et chefs d'orchestre mis à l'honneur par cette même philharmonie qui célèbre cette année son cinquantième anniversaire, comme le rappelle l'actuel directeur, Jean-Pierre Rousseau dans sa présentation. En prélude aux concerts anniversaire du 7 au 9 décembre, qui permettront d'entendre la création d'une symphonie, elle proposait un concert de musique de chambre gratuit et sur l'horaire de la pause déjeuner, ce qui laisse peu d'excuses pour ne pas y assister.

Nous avons pu entendre trois pièces, par ordre chronologique inversé. La première est un trio pour flûte, alto et harpe écrit en 2001 intitulé Et j'ai vu l'âme.. elle dansait sur un fil et composé de sept moments, ou plutôt, pour reprendre la terminologie employée par le compositeur, une « phrase » constituée de sept « mots ». Chaque « mot » est un moment de musique qui est présenté, mais pas développé. Certains matériaux sont repris d'un « mot » à l'autre, ainsi que les syllabes dans une phrase. Je dois bien avouer que cette musique m'a séduit, et chaque morceau m'a paru trop court (ce qui est en général bon signe). Les harmonies sont douces tout en échappant à la banalité des formules tonales toutes faites; chacun des trois instruments est utilisé au meilleur de ses possibilités, et dialogue aimablement avec les autres. Même s'il y a des passages plus rythmiques et énergiques que d'autres, l'impression qui domine est celle d'une musique tout en douceurs qui ne s'impose pas par la force. La référence à Debussy et à sa Sonate pour flûte, alto et harpe est inévitable et d'ailleurs rappelée par Pierre Bartholomée. Si les sonorités ne sont pas aussi originales que ce qu'ont écrit par exemple Sofia Goubaïdoulina ou Kajia Saariaho pour la même formation, le tout est vraiment de très bonne facture et s'écoute avec grand plaisir.

Le compositeur nous invite ensuite à remonter un peu dans le temps (1997 je crois) pour écouter une autre série de sept miniatures, pour une formation beaucoup plus insolite: violon et trombone. Contre toute attente, cela fonctionne assez bien, y compris dans les passages où le trombone joue dans un registre plus aigu que le violon. C'est bien sûr grâce aux interprètes: d'une part la violoniste Izumi Okubo a tellement de son qu'une armée de trombones ne sauraient la « couvrir »; d'autre part Alain Pire, son partenaire, écoute et sait doser le son d'un instrument dont on oublie parfois qu'il est capable des pianissmi les plus délicats en plus d'avoir un éclat incomparable dans les nuances forte. Là encore, chaque miniature paraît presque trop courte, on ré-écouterait bien l'ensemble une deuxième fois. Pierre Bartholomé, qui parle de sa musique avec simplicité et des musiciens qui la jouent avec bienveillance, nous explique qu'il a utilisé certains « objets trouvés » dans ces pièces, c'est-à-dire des matériaux musicaux tirés d'oeuvres ou d'esquisses plus anciennes. Ce qui n'a rien d'insolite au demeurant: les compositeurs ont presque tous pratiqué l'auto-citation et l'auto-arrangement (certains plus que d'autres comme Bach ou Chostakovitch).

C'est ensuite Mezza Voce pour piano, violon, clarinette et percussions qui nous est présenté. Cette pièce écrite dans les années 1970 (c'est de la « musique ancienne » plaisante le compositeur) a été écrite à la mémoire de Louis Robert, compositeur disparu prématurément et au sujet duquel Pierre Bartholomée nous rapporte une anecdote tout à faire significative. Louis Robert avait écrit une pièce pour orchestre où l'accord de l'orchestre (le moment où tous les instruments jouent n'importe quoi en même temps), ce chaos originel, se transforme et s'organise progressivement, les musiciens utilisant des improvisations basées sur des motifs et des « réservoirs de notes ». Le chef d'orchestre arrive ensuite et prend les rênes pour une section centrale plus rythmique. Puis il pose la baguette et quitte la scène; la musique retourne alors progressivement au chaos. (Je n'ai pas entendu cette pièce: j'en rapporte simplement la description qu'en donne P. Bartholomée). Ce qui est remarquable c'est que le public habituel de la Philharmonie a très mal accueilli cette pièce lors de la création (un « gros scandale » nous dit P. Bartholomée) alors que la même pièce a connu un grand succès deux jours plus tard, donnée par les mêmes interprètes, lors d'un concert pédagogique dédié aux familles et précédé d'une courte présentation par le compositeur. Que pouvons-nous en retenir ? D'abord que le public pour un artiste est comme le vent pour un skipper: tantôt favorable, tantôt contraire, et parfois très prompt à passer de l'un à l'autre. Ensuite que les publics de mélomanes avertis (ceux qui ont un abonnement aux concerts symphonique ou à l'opéra) sont bien souvent horriblement conservateurs et frileux, enclins à juger avec sévérité tout ce qui est nouveau et qu'ils ne connaissent pas (aussi bien pour les interprètes que pour le répertoire d'ailleurs). Tandis que les publics plus divers et moins « cultivés » qu'on peut constituer lors d'occasions spéciales comme les festivals où les concerts dans des lieux insolites (usines, prisons, centre de congrès, plein air) sont souvent plus réceptifs et demandeurs d'émotions qui ne soient pas formatées ou pré-programmées.

Fermons la parenthèse et revenons à Mezza Voce. C'est un quatuor mais une seule des sept parties mobilise les quatre instruments: les solos et duos prédominent. Cette oeuvre est tendue, austère, sombre et elle parvient à créer une atmosphère très intense avec une grande économie de moyens. A titre purement subjectif, je lui trouve une force expressive sans commune mesure avec les autres pièces pourtant pas dépourvues de qualités. Notons au passage qu'elle comporte une pièce pour clarinette qui n'a pas été jouée lors de ce concert parce qu'elle est trop difficile et utilise beaucoup le suraigu. Comme je déteste cordialement le suraigu de la clarinette au-delà d'une demi-seconde, je ne saurais m'en plaindre. Cela dit on peut rendre hommage à l'excellent Jean-Pierre Peuvion, grand interprète de la musique contemporaine, qui avait joué et enregistré la pièce à l'époque de sa création.

Voilà donc un compositeur tout à fait intéressant et dont j'entendais la musique pour la première fois (sans doute parce que je ne vis pas en Belgique). Que peut-on en conclure ? Que le monde est vaste, que mon ignorance l'est plus encore et que fort heureusement il me reste bien d'autres découvertes tout aussi réjouissantes à faire.

lundi 22 novembre 2010

Des Harmonies un peu trop sages

Entendu samedi dernier salle Gaveau, l'intégrale des Harmonies Poétiques et Religieuses de Franz Liszt par Brigitte Engerer (piano) et Daniel Mesguich (récitant).

Commençons par saluer l'initiative de la salle Gaveau: toute une série de concerts d'une heure à 8 euros, c'est idéal pour venir en famille par exemple et la joyeuse bousculade qui se produit à chaque début / fin de concert entre ceux qui arrivent et ceux qui sortent n'est pas sans rappeler la Folle Journée de Nantes auquel le titre de "Folle Nuit" choisi par la salle Gaveau se référait implicitement. Côté réserves, on peut relever la pauvreté de l'instrumentarium: du piano, du piano, et encore du piano. Au besoin à 4, 6, ou 12 mains ! Bon d'accord je sais que la Salle Gaveau est l'un des temples et peut-être même le temple du piano à Paris, mais tout de même.

Embaucher un récitant pour dire les poèmes de Lamartine avant chaque pièce est une excellente idée: Liszt n'a pas seulement emprunté le titre du recueil et celui des pièces à son ami Alphonse de Lamartine: il s'est donné la peine de copier de larges extraits des poèmes qui l'ont inspiré en tête de la partition. L'autre avantage est que les applaudissements sont relégués en fin de concert, ce qui favorise l'immersion dans le cycle. Daniel Mesguich est surtout connu comme metteur en scène de théâtre (et à l'occasion, d'opéra), il m'a donné l'impression de compter davantage sur l'expérience que sur une grande préparation pour dire ces textes magnifiques. Sa voix n'est pas amplifiée, ce que je trouve très bien compte tenu de la petite jauge de la salle Gaveau, mais j'ai entendu d'autres auditeurs se plaindre qu'ils ne distinguaient pas bien les paroles.

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Passons à la musique. On ne présente plus Brigitte Engerer (nous avons parlé dans ce Journal entre autres d'un excellent disque avec les sonates Grieg et d'un autre avec le Via Crucis de Liszt). Ses qualités ne sont pas à démontrer, aussi puis-je avouer sans remords ma relative déception devant ce que j'ai entendu. Il y a chez Liszt une double personnalité: la première est mystique, contemplative, voire sombre et austère; la deuxième est brillante, emportée, fougueuse, et l'a conduit à dépasser, à transcender les limites de son instrument. Ces deux visages de Franz Liszt se combinent dans la très longue et très belle Bénédiction de Dieu dans la Solitude, un sommet absolu de la littérature pianistique qui ne peut se comparer qu'à une poignée d'autres (certaines me viennent en tête comme le mouvement lent de la Sonate Hammerklavier de Beethoven, Corpus Christi en Sevilla dans le cycle Iberia d'Albeniz, ou encore Vers la Flamme de Scriabine). Cette bénédiction débute très doucement par une longue mélodie chantée par la main gauche en Fa # majeur (tonalité divine chez Liszt). Cette mélodie est reprise, développée et variée de telle sorte qu'on arrive après un immense crescendo à un véritable moment d'extase, de frénésie, de transe. Philip Thomson qui a enregistré les Harmonies pour Naxos, écrit de cette pièce qu'elle exige de l'interprète comme de l'auditeur qu'ils abandonnent leur pensée consciente lors du sommet émotionnel de cette pièce. Malheureusement je n'ai rien ressenti de tel: nous sommes restés sur terre. Peut-être est-ce dû à certains choix d'interprétation de Brigitte Engerer: pour construire les crescendos, elle élargit le tempo, semble ajouter des "rit" et des points d'orgue un peu partout. Cela va bien dans le sens du Liszt méditatif mais pas dans celui du virtuose fougueux et passionné. Du coup cette Bénédiction n'est guère plus qu'un long adagio très ornementé, avec de fort belles couleurs.

Les mêmes qualités (et le même défaut) sont audibles dans les autres pièces du recueil: ainsi l'évocation ne manque pas de puissance, mais j'aurais aimé sentir plus d'énergie dans ces fusées typiquement lisztiennes qui alternent avec de puissants accords:

Liszt_invocation.PNG

Pour dire vrai, dans ce type de formules, je préfère entendre un(e) pianiste qui y va à fond la caisse et me fait ressentir un élan irrésistible, même s'il manque quelques notes, plutôt qu'un arpège bien régulier et par conséquent bien ennuyeux.

De même si le début de Pensées des Morts était très prenant en tant qu'illustration de l'Ennui romantique, l'explosion de violence qui suit manquait un peu de violence justement. Et si le glas qui ouvre Funérailles était sombre et menaçant à souhait, la suite de la même pièce était plus conventionnelle.

En résumé, de belles couleurs, une maîtrise parfait de bout en bout, mais une vision un peu trop méditative, un Liszt un peu trop installé à mon goût. Où est le petit grain de folie qui change tout ?


samedi 13 novembre 2010

Peut-on sauver les orchestres de la radio néerlandaise ?

Le Centre Musical de la Radio Néerlandaise (plus connu comme MCO pour MusikCentrum van de Omroep), qui gère trois orchestres symphoniques et un choeur, est menacé de fermeture pure et simple par le gouvernement. C'est la crise, nous dira-t-on, et elle a bon dos la crise surtout lorsqu'on sait que les Pays-Bas, l'un des pays les plus riches d'Europe, a tout comme la France été relativement épargné par la crise dite des subprime. Bien sûr il est toujours plus facile pour un gouvernement de sabrer les crédits de la culture, même si ceux-ci représentent une part infime du budget public, que de faire du cost-cutting en réduisant les gaspillages dans leur propre administration.

Quant aux musiciens, il y a peu de professions (à part peut-être chercheur scientifique) où l'on va trouver des gens prêts à fournir autant de travail et de talent en se contentant d'une paye modeste. Et dans le cas des orchestres de la radio, entre les concerts gratuits, la radio, la diffusion sur Internet, ce sont vraiment des millions de personnes qui bénéficient des produits de leur travail.

Enfin, il est paradoxal de vouloir supprimer des orchestres symphonique à l'époque où les salles de concerts se remplissent si facilement, où l'on fait 3 heures de queue pour la moindre exposition à Paris, où les festivals qui programment plusieurs jours de musique non-stop se multiplient. En bref, à une époque où la demande culturelle n'a jamais été aussi forte. Et comme le remarquait cyniquement un de mes amis élève en direction d'orchestre, avec le vieillissement de la population, la musique classique c'est comme la gérontologie: une discipline d'avenir.

Bref, il y a une pétition en ligne. J'hésite à la signer car c'est avant tout aux citoyens néerlandais de se mobiliser, mais je la soutiens sans réserve.

Concerts de Novembre et Décembre 2010 à Paris

Voici quelques-uns des concerts qui figurent sur mon agenda d'ici à la fin de l'année (je ne pourrai pas assister à tout malheureusement en raison d'un emploi du temps des plus chargés):

  • Samedi 13 novembre à 20h à la Scots Kirk (église écossaise) de Paris, 17, rue Bayard, un récital chant et piano du baryton Clément Dionet accompagné par Thomas Le Colleter (les détails sur facebook)
  • Du 11 au 20 novembre au théâtre du Tambour Royal, Les amants fous (chant &piano, danse) chanté et mis en scène par  la très charmante Oriane Moretti
  • Du 16 novembre au 6 décembre, l'opéra de Paris donne Mathis der Malher, opéra d'Hindemith d'écriture plutôt néo-classique et d'une grande beauté. Mise en scène Olivier Py, direction Christophe Eschenbach. En complément, le 23 novembre, ceux qui aiment l'alto pourront entendre Antoine Tamestit jouer les sonates pou alto (seul et avec piano) du même Hindemith au petit auditorium de l'opéra Bastille. Et le quatuor Danel donnera les Quatuors numéros 4 et 6 du même compositeur le 30 novembre. Ces quatuors qui sont très rarement joués valent largement ceux de Bartok ou (Schön)Berg à mon avis.
  • Mercredi 17 novembre à l'auditorium Saint Germain, le quintette de Schumann pour accompagner le vernissage de peintures d'Etienne Yver
  • Les 20 et 21 novembre salle Gaveau, la Folle Nuit qui comme son nom ne l'indique pas, se déroule sur deux journées de 13h à minuit. Au programme: du piano, du piano et encore du piano. Un tarif unique de 8 euros pour des concerts d'une heure. Je me suis laissé tenté par l'intégrale Harmonies Poétiques et Religieuses de Liszt, par Brigitte Engerer et avec un récitant pour déclamer les poèmes de Lamartine correspondant à chaque pièce du cycle.
  • Le 27 novembre salle Gaveau toujours, une journée « Rencontrer l’Ame Bulgare »
  • Du 3 au 5 décembre au Conservatoire Régional de Paris (rue de Madrid), le festival VioloncellenSeine avec des masterclasses, un concours de lutherie, un concours pour jeunes instrumentistes, et des concerts, le tout autour du violoncelle bien sûr
  • Le 3 décembre à la basilique Sainte Clotilde à 20h30 (Métro 12 - Solférino) concert de l'Orchestre Moderne dans un programme Fauré-Suk-Korngold-Holst-Ibert (Entrée libre).
  • Le 4 décembre au lycée Jean-Baptiste Corot à 19h à Savigny sur Orge (RER C), le même programme par le même ensemble
  • les 4 et 5 décembre, un programme « Symphonie Américaine » par mes amis de l'ensemble de cuivres KABrass avec une nouvelle chef à la baguette:Elizabeth Askren
  • les 9, 11, et 12 décembre, concerto de Mendelssohn et symphonie de Schumann par mes amis de l'orchestre symphonique Ut Cinquième, avec l'excellent Thierry Huchin au violon (je me souviens d'un concerto de Beethoven joué en concert avec lui il y a quelques années et qui fait partie des meilleurs enregistrements de cet ensemble).
  • Enfin, jusqu'à Janvier prochain, on peut et on doit aller visiter l'exposition Lénine, Staline et la musique à la Cité de la Musique et assister à l'un des concerts qui lui sont associés.
Avec tout ces beaux concerts et tous ceux que je n'ai pas mentionnés, s'il vous reste du temps pour faire des courses de cadeaux de Noël, c'est que vous êtes décidément un con-sot-mateur irrécupérable dont tout le temps de cerveau humain disponible a été accaparé par TF1.

lundi 8 novembre 2010

Décès de l'altiste russe Rudolf Barchaï

C'est un grand monsieur de l'alto qui nous a quitté le 2 novembre en la personne de Rudolf Barchaï. Il fait partie des fondateurs du mythique quatuor Borodine (c'était en 1944). Ami de Chostakovitch, il a joué avec des musiciens comme Oistrakh, Richter ou encore Leonid Kogan. Passé à l'ouest en 1975, il a fait carrière comme chef d'orchestre et enregistré de nombreux disques dont une intégrale des symphonies de Chostakovitch, dont il a également arrangé certains quatuors pour orchestre.

A titre personnel, si je n'ai jamais eu l'occasion de l'entendre jouer ou diriger en concert, son enregistrement avec Yehudi Menuhin de la Symphonie Concertante de Mozart (pour le label EMI) reste celui qui a ma préférence: aucune emphase mais aucune sécheresse, une élégance certaine et un lyrisme qui va droit au coeur. Et bien sûr ce qui est essentiel dans cette oeuvre une grande complicité entre les solistes. D'ailleurs ça n'est pas pour faire de la pub mais il semble qu'on le trouve encore dans le commerce.

Pour finir, voici un documentaire où le musicien russe évoque son ami Chostakovitch en parlant notamment des dissonances supprimées par peur de la censure:

vendredi 5 novembre 2010

Micro-sociologie de la musique contemporaine

L'analyse musicologique traditionnelle est centrée sur les individus et leurs oeuvres. Elle peut aborder le contexte historique et politique  dans certains cas, mais c'est plutôt pour la culture que par nécessité absolue. S'il est difficile d'écrire une biographie de Jean Sibelius sans évoquer l'indépendance de la Finlande, on peut très bien analyser ses symphonies sans en parler du tout.

Ainsi, Charles Rosen explique dans la préface de son livre Le Style Classique son choix de limiter le corpus à Haydn, Mozart et Beethoven en déclarant que ce sont les individus d'exceptions - les génies, en langue populaire - qui font l'histoire de la musique et non les masses laborieuses. Ainsi, la plupart des histoires de la musique sont essentiellement des collections de biographies de compositeurs.

Pour intéressante et justifiée qu'elle soit, cette approche a tout de même ses limites. Les compositeurs ne sont pas des ermites: ils vivent en société, ont un travail, un public, des concurrents; ils ont eu des professeurs et auront souvent des élèves; ils jouent des instruments ou dirigent des orchestres dont les possibilités comme les limites ont une influence parfois fondamentale sur leur travail. On peut lire par exemple Bach et la machine-orgue de Pierre Vidal. Ou repenser à la manière dont le destin des facteurs de piano rencontre avec celui des Liszt, Chopin, Czerny, Thalberg...

Pour mieux prendre en compte la dimension sociale du travail du compositeur, on peut faire appel aux outils de la sociologie. Pas à ceux de la sociologie statistique: classer un échantillon aussi petit (quelques dizaines de personnes) selon l'origine géographique ou la catégorie socio-professionnelle des parents n'a aucun sens. Et ce d'autant plus que les artistes ont souvent des parcours atypiques. Je pensais plutôt à l'ethno-méthodologie à la manière d'Harold Garfinkel. Plutôt que la question du rapport de l'artiste à la société (qui a été abondamment traitée tant par les musicologues que par les sociologues), il faut s'intéresser au fonctionnement des compositeurs en tant que micro-société. Si l'on veux mieux comprendre pourquoi Karlheinz Stockhausen n'écrivait pas la même musique que Jean-Sébastien Bach, il faut se poser les questions suivantes pour établir une sorte de profil socio-professionnel du compositeur:

  • Qui le paye ?
  • Qui joue sa musique ?
  • Qui écoute sa musique ?
  • A quel usage est-elle surtout destinée ?
  • Quelles sont les attentes du public ?
  • Qui sont ses concurrents ?
Ces questions ont l'air bassement prosaïques (surtout la première) mais je prétends que le profil qu'elles permettent de dresser a une influence majeure sinon essentielle sur le style musical. Ce qui ne remet pas en cause le fait que le compositeur a une personnalité, laquelle personnalité le poussera d'ailleurs à chercher plutôt tel ou tel profil.

Plutôt que de rester dans les considérations générales, observons quelques exemples. Voici le profil de Jean-Sébastien Bach en 1725 (il a 40 ans):
  • Qui le paye ? Les bourgeois de la paroisse St Thomas de Leipzig
  • Qui joue sa musique ? De jeunes garçons à qui il doit apprendre le chant, le violon, le solfège et le latin. Lui-même ou ses enfants, à l'orgue, au clavecin, ou au violon.
  • Qui écoute sa musique ? Toute la ville
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Liturgique
  • Quelles sont les attentes du public ? Une musique qui donne envie de croire en Dieu
  • Qui sont ses concurrents ? Telemann et Haendel sont les plus célèbres, mais chaque église avait son Maître de musique chargé de composer et faire jouer une cantate chaque dimanche.

Voici celui de Ludwig van Beethoven cent ans plus tard, en 1825. Il a achevé la Neuvième Symphonie et n'écrit plus que des Quatuors et des Sonates pour piano. Les différences avec Bach sont si frappantes qu'il est inutile de les commenter davantage:
  • Qui le paye ? Des mécènes, aristocrates pour la plupart, qu'il traite tantôt avec mépris tantôt avec flagornerie.
  • Qui joue sa musique ? "Voila qui donnera bien du travail au pianistes dans 50 ans" se vante-t-il en remettant la sonate op 106 "Hammerklavier" à son éditeur.
  • Qui écoute sa musique ? Peu importe
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? A témoigner d'un amour immense quoiqu'un peu abstrait pour l'humanité dans son ensemble
  • Quelles sont les attentes du public ? Aucune importance.
  • Qui sont ses concurrents ? Il n'en a aucun et il le sait.

Quelques années plus tard, voici Paganini (j'aurais pu choisir Liszt aussi bien), prototype du virtuose-compositeur romantique:
  • Qui le paye ? Le public
  • Qui joue sa musique ? Lui-même
  • Qui écoute sa musique ? La bourgeoisie, nouvelle classe dominante
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Au concert
  • Quelles sont les attentes du public ? On en veut pour son argent ! Il faut que la virtuosité soit excessive et éboulissante
  • Qui sont ses concurrents ? Les autres virtuoses

Encore un saut dans le temps. Regardons Igor Stravinski (Stravinsky si vous préférez) en 1925, qui vit alors à Nice sur la côte d'Azur:

  • Qui le paye ? Des mécènes (plutôt industriels qu'aristocrates), mais les éditeurs et les producteurs comme Diaghilev.
  • Qui joue sa musique ? De bons professionnels.
  • Qui écoute sa musique ? Les mélomanes
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Au concert (et à l'accompagnement de ballets)
  • Quelles sont les attentes du public ? Se détendre après une dure journée de labeur
  • Qui sont ses concurrents ? Strauss, Ravel, Sibelius, Schönberg et tant d'autres

En ce début de XXIe siècle, voici le profil d'un compositeur étiqueté "contemporain" et qui marcherait pas trop mal:
  • Qui le paye ? Les contribuables français
  • Qui joue sa musique ? De (très) bons professionnels.
  • Qui écoute sa musique ? Les abonnés de l'Inter-Contemorain
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? A faire carrière
  • Quelles sont les attentes du public ? du Boulez, ou pas loin
  • Qui sont ses concurrents ? les autres élèves et disciples de Boulez

Voici celui d'un compositeur de musique de cinéma:
  • Qui le paye ? Surtout la SACEM via la contribution obligatoire de 8 centimes par billet vendu
  • Qui joue sa musique ? Des cachetonneurs pas cher
  • Qui écoute sa musique ? Des millions de gens
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Servir l'image qui reste maîtresse du tempo. En jouant sur les clichés, émettre des signaux pour faire comprendre au public que c'est le moment de sortir les mouchoirs.
  • Quelles sont les attentes du public ? comme au MacDo: du mou, du gras et du sucré
  • Qui sont ses concurrents ? nombreux

Et celui d'un compositeur de musique de télé / de publicité:
  • Qui le paye ? Des producteurs qui se constituent des catalogues d'illustrations sonores toutes faites
  • Qui joue sa musique ? Des cachetonneurs vraiment pas cher
  • Qui écoute sa musique ? Des milliards de gens, qui ignorent jusqu'à son nom
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Illustration sonore. Par exemple 7 secondes et 12 centièmes d'émotion romantique avec une touche latino rythmée et vaguement érotique, tu vois, là ?
  • Quelles sont les attentes du public ? Par pitié, cessez d'accaparer mon temps de cerveau humain disponible !
  • Qui sont ses concurrents ? innombrables

Voici encore celui d'un auteur-compositeur de chansons de pop / variété / rock / ce-que-vous-voulez:

  • Qui le paye ? Surtout les maisons de disques. Également les producteurs de spectacles, festivals, etc.
  • Qui joue sa musique ? 1 batteur et 2 guitaristes
  • Qui écoute sa musique ? Les fans
  • A quel usage est-elle surtout destinée ? Bousiller les oreilles des ados qui écoutent ça à fond sur leur baladeur
  • Quelles sont les attentes du public ? Un gros coup de percu tous les deux temps. En concert, 130 dB minimum (boules quies recommandées)
  • Qui sont ses concurrents ? la terre entière: les gagnants (et les perdants) de la StarAc, les jeunes bourrés de talent, les vieux loups encore en service, et même l'épouse du chef de l'État.

Arrêtons-nous là. Mon but n'est pas d'écrire un traité de sociologie des compositeurs dans les règles du lard, mais de soulever certaines questions et de montrer certaines causes objectives qui peuvent expliquer pourquoi plus personne n'écrit de la musique comme Bach ou Mozart aujourd'hui. Le mot même de compositeur est trompeur car il recouvre des situations professionnelles très différentes, et qui changent dans le temps. Dès qu'on commence à regarder le travail du musicien tel qu'il se déroule vraiment, en tenant compte de la dimension sociale, le mythe du Compositeur (avec un grand C) nécessairement Génial et qui produit des chefs-d'œuvres comme un arbre du jardin des Hespérides produit des pommes en prend un sacré coup. Mais est-ce une mauvaise chose ?

dimanche 10 octobre 2010

L'Araignée, Etude numéro 1 pour piano

Bien que j'utilise mon quart de queue de façon quotidienne, aussi bien pour déchiffrer et analyser des partitions (et pas seulement des textes pour piano) que pour improviser ou corriger mes propres partitions, j'écris très peu pour le piano.

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vendredi 8 octobre 2010

Et le désir s'accroît quand l'effet se recule...

Ce billet inaugure une nouvelle catégorie dans le Journal de Papageno consacrée à la Musique électronique. Je suis et j'ai toujours été un âne en la matière, mais il n'est jamais trop tard pour apprendre, ni pour partager mes éblouissement naïfs avec les lecteurs de ce blog.

Commençons par les "effets". Dans le jargon des musiciens branchés (ceux qui s'arrêtent de jouer il y a une panne de courant), ce mot désigne une transformation du son en temps réel. Les premiers effets étaient des boîtes pleines de transistors, de condensateurs et d'oscillateurs que l'on branchait sur la table de mixage ou bien entre la guitare (électrique) et l'ampli. Les boitiers d'effets pour guitare sont d'ailleurs souvent munis de pédales afin de pouvoir être manipulés (ou plutôt pédipulés) par l'interprète. De nos jours, les logiciels permettent de remplacer toutes ces petites boîtes magiques (mais parfois pas avec la même qualité, ce qui fait que certains musiciens préfèrent garder leurs boîtes à effets de 20 ou 30 ans d'âge).

Certes, me direz-vous, mais à quoi ça ressemble un effet ? Non pas visuellement (un algorithme n'a pas de forme ni de couleur) mais à l'oreille. La rédaction du journal de Papageno s'est livré pour vous à quelques expériences fort instructives avec Soundforge.

Présentons d'abord le matériau de base. C'est un extrait du concerto de Stamitz (contemporain de Mozart), ici dans sa réduction pour alto et piano:

Fichier audio intégré

Commençons par un des effets les plus simples: le Retard, qui consiste à superposer au signal sonore un écho affaibli de celui-ci (écho qui sera répété à nouveau jusqu'à extinction du signal). On a utilisé ici un écho à 90% ce qui est beaucoup trop, avec une fréquence calculée pour entrer en décalage avec le tempo du morceau. Le résultat est assez saisissant: c'est très planant, avec des harmonies chargées mais consonantes qui se transforment lentement, et quelques notes qui surnagent avant d'être englouties par le flot sonore:

Fichier audio intégré

Un autre effet bien connu est la Distorsion. Comme chacun le sait, le signal sonore est constitué par la courbe de variation de la pression acoustique au cours du temps. Notre oreille si délicatement sensible sait détecter à quelles fréquences et avec quelle amplitude cette courbe se tortille pour en extraire des information comme la note (la hauteur) et la dynamique (piano ou forte). Lorsqu'on amplifie le signal jusqu'à atteindre les limites de l'appareil, toutes ces jolies courbes vont s'écraser ce qui crée un effet de clipping. Visuellement, la différence induite par l'effet distorsion et l'écrasement du signal qu'il produit est frappante:

before-distorsion.png

after-distorsion.png

Mais à l'écoute c'est encore bien plus choquant ! Pour épargner vos oreilles, j'ai limité l'extrait à 15 secondes. On ne reconnaît plus du tout le timbre des instruments, qui évoque plutôt la guitare saturée de façon aussi fine et subtile que les paroles d'une chanson de Rammstein.

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Mais le brouillage de l'écoute ne s'arrête pas là. Voici un autre effet, la Modulation d'amplitude. Imaginez un chimpanzé parkinsonien qui joue avec le bouton du volume. Ou plutôt une machine aussi régulière qu'un métronome qui modifie périodiquement l'amplitude du signal. Avec environ 10 battements par seconde, on obtient un effet stroboscopique tout à fait charmant (il ne manque plus que la lumière violette et les filles à moitié nues avec des cheveux verts pour se croire en boîte de nuit):

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Encore plus amusant, si l'on choisit de moduler 440 fois par seconde (c'est un concerto en Ré ou la note La 440Hz, 5e degré, joue une rôle pivot), alors on détruit complètement le timbre des instruments tout en renforçant les vibrations à 440Hz donc un 'La' est perçu par l'oreille même aux endroits où on ne joue pas cette note dans le morceau original.

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Un autre effet cher aux utilisateurs de synthétiseurs, appeler Flange ou Flanger ou Flanging, c'est selon. Il consiste à superposer le signal à une copie de lui-même, avec un délai variable dans le temps, ce qui crée des interférences positives et négatives dans tout le spectre. Lorsqu'on utilise des synthétiseurs, les effets comme le flanger et le phasing servent à éviter la monotonie qui vient de la trop grande uniformité et pauvreté de timbre des sons synthétiques. Appliqué à notre concerto de Stamitz, cela donne un effet 'pales de ventilateur' additionné de sérieux problèmes de justesse. Bref c'est à peu près d'aussi bon goût qu'un solo pou harpe laser de Jean-Michel Jarre.

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Très mignon aussi l'effet Chorus qui cherche à reproduire les micro-décalages qui existent entre les chanteurs d'une chorale ou les altistes d'un orchestre symphonique (j'ai bien dit micro-décalage, le premier qui sort une blague d'altistes il me fera cent lignes). Si on l'utilise à faible dose, effectivement ça gomme un peu les attaques de l'alto, mais l'effet appliqué au piano est désastreux.

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Bien sûr, il est infiniment préférable d'en faire une utilisation réellement créative et contemporaine, c'est à dire en poussant les paramètres au-delà de l'absurde. Ainsi à 4000 Hz avec une énorme amplitude:

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Ou encore avec un Chorus à 10.000Hz (réglage indiqué 'Crazy' dans la liste de configurations pré-définies de l'effet):

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On le voit (ou plutôt on l'entend), même à partir d'un matériau très classique, certains effets font immédiatement penser à ce qu'on peut entendre sur Nova FM ou encore à l'espace de projection de l'IRCAM. Évidemment, appliqués à une musique conçue pour les utiliser, ils donnent en général un résultat moins ridicule que les exemples ci-dessus, dont la valeur est surtout ludique et peut-être pédagogique.

Du monde entier...

C'est toujours une surprise pour moi de constater que le Journal de Papageno conserve autant de lecteurs d'après les statistiques du site, alors même que j'ai moins de temps pour l'alimenter cette année. Plus surprenant encore, la répartition géographique des lecteurs. Si la majorité se situent dans l'hexagone, on en trouve également aux Etats-Unis, au Brésil, au Japon, en Irlande et en Ukraine...

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Je devrais peut-être demander des subventions au ministère de la culture au titre de la défense de la francophonie sur Internet... plus sérieusement, j'ai toujours autant de plaisir à coucher par écrit mes réflexions, mes étonnements, à étaler mon ignorance et parfois à pousser un petit coup de gueule dans ce Journal. Ce qui m'oblige souvent à faire le point sur telle question qui m'intéresse, à rechercher de la documentation. Merci donc à vous, lecteurs fidèles. Merci également pour vos commentaires qui m'ont beaucoup apporté. Merci enfin aux les robots des moteurs de recherche qui me classent désormais en 6e ou 7e position dans les recherches pour le mot-clé "Papageno". Quand on sait qu'il y a un magasin de disques, une association, une librairie, un hôtel à Vienne, un costumier en Belgique, et un ensemble de musique ancienne un thème DotClear et même un autre blog (inactif depuis 2008) qui portent le même nom, c'est une belle performance !

mardi 5 octobre 2010

Flûte, flûte, flûte, flûte (Répliques "Souffles" par l'Ensemble Itinéraire)

Voilà un programme de concert comme je les aime: il y a de l'exotique (pièces traditionnelles et contemporaines pour shakuashi), de la musique ancienne (pièces pour traverso), de la musique d'aujourd'hui (Besty Jolas, Luciano Berio, Yoshihisa Taïra). Bref c'est l'antithèse du concert-type de la salle Pleyel, avec un concerto de Beethoven suivi d'une symphonie de Brahms (ou l'inverse), et pas une once d'imagination.

C'est l'ensemble Itinéraire qui l'organise, et ça se passe à l'auditorium du marché St Germain le 12 octobre prochain. Ma seule réserve concerne l'horaire du concert: 19h30, ça n'est pas des plus pratique pour les gens qui travaillent.

Le programme détaillé se trouve ici.

Voyages de vive voix le 11 octobre 2010 salle Gaveau

Karine Lethiec, directrice de l'ensemble Calliopée, qui propose des programmes sortant souvent des sentiers battus mais toujours d'une grande qualité, m'a envoyé le programme d'un concert auquel l'ensemble Calliopée participe.

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Voyages de vive voix est une rencontre autour de la voix et de la musique entre des artistes professionnels, des chanteurs autistes et leurs éducateurs nous dit Catherine Boni, chef de choeur. Le baryton Laurent Naouri, qui participe au concert, témoigne: Si tant est que l’autisme peut rendre la communication entre les êtres délicate, je suis certain que la musique, en nous forçant à nous écouter les uns les autres, nous a permis de mieux nous entendre. N'ayant pas encore eu l'occasion d'entendre ce groupe sur scène, je n'ai rien à y ajouter mais je serai prêt à parier que l'enthousiasme et l'émotion qui accompagnent manifestement ce projet vont de pair avec une grande exigence musicale. A découvrir, donc, pour les Parisiens, le lundi 11 octobre 2010 salle Gaveau.

dimanche 3 octobre 2010

Entrées en Matière d'Aurélie Loiseleur

Ce blog est consacré à la musique, mais vous avez remarqué sans doute que la poésie y tient une place importante, celle d'hier comme celle d'aujourd'hui. Celle qu'on lit, qu'on récite, qu'on apprend, qu'on remâche, qu'on met en musique parfois. Mais aussi celle qu'on écrit, celle qui chante ou qui refuse de chanter, ou qui chante son refus de chanter. Comme celle d'Aurélie Loiseleur qui vient de publier Entrées en matière, son deuxième livre de poésie, aux éditions Nous.

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Je ne suis pas vraiment qualifié pour produire et publier une recension en bonne et due forme des Entrées en matière. Lisez plutôt celle de Philippe Beck sur Sitaudis. En revanche, le Journal de Papageno vous propose d'écouter 3 poèmes extraits de ce recueil, lus par l'auteur(e) sans hauteur aucune.

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De partout se lit se livre: n'a que des entrées annonce la première page du recueil: Entrées en éléments, Entrées en corps, Entrées en l'autre, Entrées en poésié, Entrées en animal, Entrées en homme, Entrées en mort.

Pour terminer cette invitation à entrer dans la poésie d'Aurélie Loiseleur, ce paysage dévasté mais étrangement attachant et lumineux, voici un extrait des Entrées en poésie:

Le Beau ne me dit rien.

Le Vrai ne me touche pas.

Le Juste ne me regarde pas.

Dieu ne se mêle pas de moi.

Mais la vie me parle et le monde me captive.

vendredi 1 octobre 2010

L'Orchestre Moderne recrute

L'Orchestre moderne recherche des musiciens pour renforcer ses pupitres de cordes (violons, altos, violoncelles, contrebasses). C'est un orchestre composé pour l'essentiel de jeunes professionnels qui a deux particularités:

  • Le répertoire un peu moins traditionnel que d'habitude, qui fait la part belle aux œuvres du XXe et XXIe siècles, aux œuvres méconnues et aux créations.
  • Les concerts souvent donnés au profit d'œuvres caritatives (la dernière série de concerts a permis d'envoyer des instruments de musique à la fondation Allegro Argentina de Rosario en Argentine).
N'hésitez pas à visiter le site de l'OM (rien à voir avec le foot ni avec la belle ville de Marseille) pour plus de détails.

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En toute transparence

La SACEM et Google ont annoncé aujourd'hui un accord concernant la diffusion sur Youtube de vidéos utilisant des œuvres protégées. Les termes de cet accord sont secrets. Autrement dit, pas moyen de savoir qui paye quoi, ni en fonction de quels critères (fréquentation ? revenus publicitaires ?), et encore moins bien sûr la part des paiements de Google que la SACEM garderait pour ses menus frais de bouche (Si vous ignorez encore le degré d'opacité des comptes des sociétés sensées défendre les droits des artistes, je vous recommande la lecture de l'article "Les nouveaux fermiers généraux" de Joël Martin sur le site Mediapart qui est assez éclairant).

La seule certitude est que les sommes en jeu ne sont probablement pas considérables. On peut raisonner par analogie avec le site des streaming Deezer qui reverse environ 8% de son chiffre d'affaire publicitaire à la SACEM. Le site reverse 0,07 centimes d'euros par titre écouté, ce qui veut dire que même les morceaux les plus populaires, qui sont écoutés plusieurs centaines de milliers de fois, rapportent au mieux une centaine d'euros aux artistes et éditeurs. En bref, cet accord rapportera un peu d'argent de poche à des stars comme le DJ David Guetta (qui annonce près de 350 millions de visites sur sa chaîne Youtube), et des crottes de nez pour les autres.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas écrit: je considère les sites de streaming et de partage de vidéo comme une aubaine pour les musiciens et les mélomanes. Ils permettent aux uns de se faire connaître et aux autres de découvrir le répertoire et les artistes. Et ce ne sont pas que des lieux d'échanges, mais aussi des bibliothèques numériques, sorte de magnétoscopes géants qui permettent de garder une trace, un souvenir d'innombrables évènements culturels. Youtube et Dailymotion contiennent plus de trésors que la très regrettée bibliothèque d'Alexandrie !

Simplement, il nous faut bien constater qu'avant ou après cet accord avec la SACEM, les recettes publicitaires, qui ne suffisent même pas à payer l'hébergement car ces sites sont en général déficitaires, ne sauraient pas non plus fournir un revenu décent aux artistes. Ils ne peuvent remplacer l'agonisante industrie du disque. Notons que cela ne changera pas grand-chose pour les musiciens classiques car les disques classiques se vendent plutôt en milliers d'exemplaires qu'en millions; et le plus souvent ceux qui participent à un projet de disque en retirent davantage la satisfaction d'un travail bien fait que des revenus suffisant pour en faire une activité à temps plein. Parfois (bien plus souvent qu'on ne le croirait) ils ne sont même pas payés du tout. Faut-il s'en plaindre ? Le concert, c'est à dire la rencontre directe entre les artistes et le public, reste le lieu privilégié de création et de diffusion de la musique.

lundi 20 septembre 2010

Boulez: "un certain parcours" en vidéo

Le double concert "Un certain parcours" que Pierre Boulez s'était vu offrir en juin dernier pour son anniversaire Salle Pleyel est encore pour quelques jours écoutable (et regardable) gratuitement sur la page VOD du site de la Cité de la musique.

La qualité et la diversité des oeuvres proposées, ainsi que l'impeccable prestation de l'Intercontemporain et de l'Orchestre de Paris sous la direction froide mais très précise efficace de Pierre Boulez, justifient amplement qu'on recommande ce concert à nos lecteurs. Certes l'écrasement de toute la richesse sonore et spatiale d'un grand orchestre sur deux canaux stéréo (et compressés en plus) retire quelque chose au plaisir, mais n'est-ce pas le cas de tout concert en vidéo ? Parmi mes coups de coeur au rayon "découvertes":

  • Donatoni (Tema pour 12 instruments) dont la volubilité toute italienne fait bien sûr penser à Berio en moins agressif
  • Helen Grimes (Virgo pour grand orchestre) dont je découvre la musique, très personnelle et riche en émotions
J'étais moins enthousiaste en ce qui concerne la pièce de Dalbavie qui clôture le second concert (c'est ennuyeux, ça se répète, on dirait du Mantovani...). Après ré-écoute, la description que Palpatine donnait de Notations II de Boulez (imaginez qu'une armée de nain mette le zouc dans votre cuisine, et tape sur les casseroles) est assez juste, si l'on ajoute que ledit zouc ne dure pas longtemps, reste très maîtrisé (la logique implacable des séries) et peut être très réjouissant à entendre si on a l'esprit tordu comme moi.

Côté réserves, notons que les changements de plateau sont effectivement assez nombreux (on peut les zapper en vidéo, mais on comprend que cela ait agacé certains critiques et blogueurs) et le côté "best of" de la programmation (aucune pièce ne dépasse les 6 minutes) qui nous prive du plaisir d'entendre les oeuvres en entier. Le choix s'étant plutôt porté sur les mouvements rapides et virtuoses dans les cycles comme le Kammerkonzert de Ligeti ou Quatre Dédicaces de Berio, on peut également comprendre les réactions négatives de ceux qui n'aiment pas trop le contemporain.

Quoi qu'il en soit, à 85 ans, Pierre Boulez reste fidèle à lui-même, exigeant avec les musiciens et avec le public, refusant toute forme de facilité. Quant à savoir ce que cache ce masque impénétrable lorsqu'il dirige, c'est une toute autre histoire...

Jouons avec Jean-Sébastien: la solution

Voici comme promis la solution de notre jeu avec Jean-Sebastien.

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Jürgen Schmidt-Bach, le professeur Tournimbus et moi-même tenons à remercier tous ceux qui ont participé au jeu, et à féliciter ceux qui ont trouvé la bonne réponse. La première pièce est (transposée d'une quinte vers le bas) la première partie du Presto de la Sonate n°1 en sol mineur (BWV 1001) de Jean-Sébastien Bach. La deuxième est extraite de ma Suite en ré mineur pour alto seul, que j'ai écrite en juin dernier. La préparation des examens d'alto me prenait alors l'essentiel de mon temps et m'obligeait à mettre de côté mes projets de composition plus ambitieux. J'ai donc commis ce pastiche en 4 mouvements, pour me divertir et aussi pour parfaire ma connaissance de J-S Bach, car il n'existe pas de meilleur moyen d'étudier un auteur que d'essayer de le pasticher. Le résultat étant fort écoutable et jouable d'après mes amis, je l'ai finalement publié sur le site Tamino Productions. Comme le remarquait l'un des commentateurs du précédent billet, il n'y manque que le génie...

Spectaculaire, la fête des sorties culturelles

Spectaculaire est le nom d'un mini-festival qui se déroule à Paris 13e, à la Bibliothèque François Mitterrand et dans quelques lieux proches. En deux journées seulement (le 25 et 26 septembre 2010) sont programmés une petite centaine de spectacles gratuits, où tous les arts et tous les styles sont représentés. Plutôt que le site Internet dont les animations flash sont fatigantes à regarder, je vous invite à consulter le programme complet (en PDF).

Les mélomanes pourront notamment se réjouir les oreilles avec une opérette (Phiphi, qui est également donné à L'Athénée-Louis-Jouvet en ce moment) ainsi qu'un duo d'altistes (Adrien La Marca et Adrien Boisseau) qui est programmé dans une péniche appelée le Café Fou (ça ne s'invente pas !).

lundi 13 septembre 2010

Jouons avec Jean-Sébastien

Et voici notre grand jeu de la rentrée. A gagner, des abonnements d'un an au Journal de Papageno

Le professeur Tournimbus a bien du mal à trier ses partitions où les devoirs de ses élèves d'harmonie et de contrepoint se mélangent avec les pages de Bach, Mozart, Beethoven qu'il utilise pour leur servir d'exemple. De plus un de ses élèves, Jürgen Schmidt-Bach, se fait un plaisir de signer ses travaux "J-S. Bach" ce qui n'arrange rien à la confusion.

Devant deux pages pour violon seul assez similaires, Tournimbus soupçonne que l'une d'entre elle pourrait être du vrai Bach, mais à son âge la mémoire fait défaut. Voici une réalisation vite-fait mal-fait à l'alto des deux pages en question:

Presto 1



Presto 2



Pouvez-vous l'aider en choisissant l'une des options suivantes:

  • A) les deux pièces sont de Jean-Sébastien Bach
  • B) la première est de Bach, la seconde est un pastiche d'un étudiant
  • C) la première pièce est un pastiche, la deuxième est de Jean-Sébastien Bach
  • D) les deux pièces sont des pastiches
  • E) c'est qui ce Jean-Sébastien Bach ? il joue dans quelle équipe ?
Réponse la semaine prochaine si les commentaires de ce billet sont suffisamment nombreux et drôles.

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